Début février, il gèle à pierre fendre, dans ma demeure une curieuse inversion de température s'est installée : la température des pièces à vivre est devenue inférieure à celle du réfrigérateur...Après avoir envisagé de bivouaquer à l'intérieur de celui-ci, j'en conclue qu'à mourir d'hypothermie autant que ce soit au grand air ! Mais il fait même trop froid pour songer raisonnablement à s'engager dans une course en montagne : avec des conditions aussi sévères le moindre incident pourrait rapidement se transformer en catastrophe.
Lors de cette première visite en compagnie de Maxime, nous nous rendons vite compte que le canyon n'est pas assez pris pour être remonté intégralement. Je suis prudemment mon camarade qui prend beaucoup moins de précaution et passe plusieurs fois son pied à travers la glace. La première cascade ruisselle beaucoup, il y a juste assez de glace pour que ça passe. Après une opposition épique dans une étroiture en eau et quelques contorsions dans des ressaut-douche, nous butons devant une grande vasque partiellement couverte par une mince pellicule de glace qu'il est impossible de contourner.
Goulotte des Marmottes et traversée des arêtes du Gerbier, AD+ (26/12/2011)
Lendemain de Noël, avec Christophe nous décidons de passer en mode "digestion active" et d'aller exposer au grand air le surplus de produits gras et alcoolisés accumulés ces derniers jours. Utiliser la télécabine de Villard pour réduire l'approche nous pose certes un problème éthique mais nous arrivons à un âge où une heure de sommeil vaut bien toutes les compromissions !...Une erreur d'itinéraire rendra néanmoins cette approche un peu plus sportive que prévu : il nous faudra sauter quelques barres rocheuses en nous suspendant à des arbustes avant de subir une pénible remontée dans de la neige profonde.
Premiers pas dans la goulotte. Ici les choses ont une âme, il suffit d'écouter pour les entendre parler...
L'enneigement important a lissé les difficultés dans cette goulotte que nous remontons intégralement à corde tendue. Une fois sur l'arête nous avons le choix entre une descente rapide par le Sud ou une belle bambée par le Nord et je n'aurais pas trop de mal à convaincre Christophe d'opter pour la seconde solution.
L'échine courbée, mon compagnon de cordée semble s'être métamorphosé en une de ces vierges métalliques que l'on abandonne à la merci de la foudre au sommet des montagnes...
L'enneigement est important mais les excellentes conditions de neige rendent la progression rapide et sûre. L'ambiance est grandiose, on se fait plaisir sans se faire peur, et malgré un départ bien tardif, nous sommes de retour au parking avant la nuit sans nous hâter, pas vraiment épuisés pour une fois mais comblés.
Après la voie normale du Mont Aiguille, la traversée des arêtes du Gerbier est certainement la course que j'ai répétée le plus grand nombre de fois. L'été, ce n'est rien de plus qu'une randonnée aérienne comportant quelques passages exposés pouvant éventuellement justifier l'usage de la corde. L'hiver, la neige et la glace en modifient complètement le caractère, elle devient alors une vraie course d'alpinisme dans une ambiance qui n'a rien à envier aux plus belles traversées d'arêtes des Alpes, la sauvagerie du Vercors en prime. Par fort plâtrage certains passages peuvent devenir très délicats et cette excursion gentillette se transforme alors en une entreprise tout à fait sérieuse.
Je me suis promis de publier cet article avant la fin de l'hiver et il ne me reste que très peu de temps, je vais donc essayer d'adopter un style plus condensé. Je pense que les quelques lecteurs ayant survécus jusqu'ici à l'adiposité de ma prose ne m'en tiendront pas rigueur...
La course : Encore un itinéraire sur les balcons Est du Vercors, celui-ci monte tout droit dans la raide face du sommet Nord de Roche Rousse. Seulement quelques lignes de description dans le topo de Sébastien Escande, aucune information sur Internet (j'ai fait un topo Camp to camp depuis), voilà qui laisse présager une ligne technique, sauvage et peu répétée. Un grand moment en perspective !...
Réveil : en plein coeur d'une froide nuit d'hiver, la boule au ventre. Première pensée : Et si j'allais me recoucher ?
Trajet : Je suis à la bourre. Max m'a attendu pendant une demi-heure dans le froid alors forcément il fait un peu la gueule ! On a la tête dans le cul, on se trompe deux fois de route. Résultat : à 9 heures on commence tout juste l'approche...
Situation
On s'équipe à l'abri d'une petite barre rocheuse en contrebas du couloir. Il est déjà midi.
Max à l'oeuvre dans L2 (M4/M5)
L2 : Ca continue dans du "dry touffing" bien typique du Vercors. Le début de la longueur est relativement facile mais la sortie déversante est bien technique et je ne suis pas mécontent de laisser Max s'en charger pendant que je me remets doucement de mes émotions de la première longueur.
Sortie de L3 (M3/M4)
L3 : Un ressaut mixte pas très impressionnant vu du bas. Une fois dedans j'aurai quand même le droit à quelques sueurs froides car le rocher est ici encore de très mauvaise qualité. Il y a des blocs gros comme des micro-ondes posés en équilibre un peu partout, c'est très délicat !
Max à la sortie de L4 (M4)
L4 : Au troisième relais nous sommes au pied d'une épaule neigeuse, je propose à Max d'aller simplement équiper un relais au pied du prochain ressaut. Mais j'ai fait l'erreur de partir avec presqu'aucun matériel (une grande sangle et deux petits friends) et une fois la pente de neige franchie, je ne trouve aucune possibilité pour installer un relais. Je suis contraint de continuer sans protection dans du mixte raide.
Au bout d'une quinzaine de mètres, je trouve enfin un béquet salvateur autour duquel je passe ma grande sangle. Seulement, alors que j'essaye de repartir, je suis retenu par mon pied gauche : la sangle est venue se coincer derrière le taquet en plastique de mon crampon ! Je suis déjà pendu sur mes piolets et je n'ai pas d'autre choix que de faire sauter la sangle du béquet pour me libérer et de gravir la dalle verglacée qui suit sans protection. C'est donc avec un grand soulagement qu'au bout de 50 mètres sans point je trouve enfin une belle fissure pour installer un solide relais et faire venir mon camarade.
Max dans la cheminée sandwich de L5 (M5)
Dans la cheminée sandwich de L5
L5 : Jusqu'ici Max a été relativement épargné par le hasard de répartition des longueurs, il héritera donc de plein droit de cette dernière longueur mémorable finissant dans une cheminée sandwich particulièrement éprouvante.
Dans les pentes de sortie
Quelques images...(Vous serez peut être choqués par la bassesse de nos propos mais sachez que séjourner dans cet environnement froid et vertical à essuyer des chutes de pierres vous rapprochent plus du militaire que du philosophe)
15 heures le sommet, on a gagné le droit...de redescendre ! On est quand même bien content de rentrer en un seul morceau...(Admirez le visage de Max maculé de sang)
Vue sur les balcons Est depuis le sommet, ya de quoi s'occuper pendant encore quelques hivers...
Retour à la voiture à 16 h 30 après une journée bien remplie. Ce repli malsain de la montagne a su largement combler nos attentes : il y a eu des chutes de blocs, de la glace fragile, des touffes d'herbes gelées, des sections d'escalade mixte délicates et exposées, du rocher délité, des ancrages foireux, du sang et des jambes flageolantes de peur...Bref un concentré de ce que la pure sauvagerie du Vercors peut offrir de mieux !
Jour du Printemps au Gerbier - sommet Sud, TD-, M4/M5, 150 m (25/03/2012)
Christophe m'avait proposé d'aller faire la goulotte à PP (un itinéraire d'initiation), je trouvais ce projet que très moyennement excitant alors je lui ai dit "Prends tes chaussons, j'ai une idée originale..."
L'idée c'était que, comme le rocher avait bien séché ces dernières semaines, il devait être possible de passer le crux de la goulotte Jour de Printemps en chaussons d'escalade et donc de transformer une escalade mixte très difficile en une agréable grimpette.
Itinéraire, on remarque les barres rocheuses de L1 et L2 bien sèches. La goulotte à PP est le couloir de neige juste à gauche.
10 h 30 : Analyse de la situation au pied de L1, piolets et chausson d'escalade c'est parti pour une escalade unique en son genre ! (photo Christophe)
Vue sur L1 bien sèche...
Christophe à la sortie de L1...
J'avais tout de même quelques doutes sur l'efficacité de ma stratégie mais la première longueur a confirmé sa pertinence : au lieu d'affronter une rampe mixte en M4/M5, nous avons eu le droit à un passage de rocher en 4+ presque débonnaire, seule la sortie sur la neige dure en chaussons s'est avérée assez délicate.
On dirait qu'on s'est trompé de chaussures !...
Vue sur la deuxième longueur
Christophe dans L2...
La deuxième longueur nous donnera un peu plus de fil à retordre mais là encore le fait d'être en chaussons facilite grandement les choses. Par contre la sortie dans une pente de neige dure raide sera assez désagréable mais en taillant quelques marches au piolet je parviendrai sans trop de difficultés à atteindre une fissure où installer un bon relais.
A partir de là nous rechaussons les crampons et c'est parti pour une goulotte facile mais très esthétique avec un encaissement vraiment magnifique dans sa partie supérieure.
Enfoncer ses mains ensanglantées dans la neige est l'un des agréments particuliers des escalades hivernales...
La suite de la goulotte en neige...
L'encaissement remarquable de la partie supérieure....(photo Christophe)
14 H le sommet (photo Christophe)
Quelques images, vous remarquerez que Christophe a même mis de la pof !....
En route pour de nouvelles aventures...
Bon il est temps de mettre un point final à cet article qui a déjà deux jours de retard sur l'arrivée du printemps. Je vais tâcher de revenir bientôt sur ces pages vous donner des nouvelles fraîches !